A l'ombre du tilleul en fleur...
Soleil sourit. Soleil, c'est une enfance rêveuse, cheveux de cendres, invariablement vêtue de bleu, elle ne sait pas pourquoi. On le lui demande parfois, mais elle esquive d'un mouvement d'épaule, ses cheveux dénoués glissent sur son visage… elle ne sait pas.
Aujourd'hui, elle sourit devant un tilleul en fleur. Elle s'est assise à quelques pas, un panier attend juste à la limite de l'ombre, elle regarde. Le vent est tiède, le ciel est tout entier mangé par cet arbre, là, devant elle, qui frémit et chante d'un millier d'abeilles.
C'est un arbre en gloire… il offre ses fleurs avec une générosité confondante, éparpille lumière et ombre au gré du vent, et marie ses verts de tendresse au sombre du tronc…
Soleil écoute.
Ferme les yeux.
Le vent joue avec ses cheveux, noue le bleu du ciel au bleu de son écharpe, froisse les fleurs comme papier de soie.
Le panier attend. Il faut bien récolter, puisque le vent d'autan précède souvent la pluie… Alors elle se relève, et se met à l'ouvrage. C'est facile, les branches ploient jusqu'à terre : elle va de l'une à l'autre, tranquillement, cueille avec délicatesse pour ne pas blesser l'arbre, toute entière plongée dans son geste; elle choisit les fleurs à demi-ouvertes, à son gré… et soudain s'arrête. L'arbre semble sourire, dans sa splendeur, parce qu'elle a entendu. Elle regarde le panier plein, l'arbre qui remplit le ciel au dessus d'elle, offert, chacun peut venir et se servir à son gré, ou passer son chemin avec indifférence…
Alors, sans même s'en rendre compte, elle murmure le désir qu'elle a de ressembler à cet arbre, en plus petit, le désir d'être un jour offrande, afin que chacun puisse prendre d'elle ce dont il a besoin, ou passer.
Elle en est surprise, c'est fugitif, alors elle se détourne, elle oublie. Ne demeurera de cet instant qu'une trace légère, enfouie dans le parfum d'une tisane…
Extrait des "petites leçons de choses" M.F.