
Comment ce tronc droit,
apparemment modeste, a-t-il pu porter, calme et confiant, cette magnifique
corolle de feuillage, pleine de noblesse, d’une gloire presque trop écrasante
pour lui ?
Il a fallu qu’à partir de lui, chaque branche croisse et
respire selon sa poussée interne, tout en ayant souci d’orienter sa courbe vers
un centre, dont la force centripète assure à chaque instant à l’ensemble des
branches une juste répartition d’air, de lumière et de sève. Une présence
organique, faite de frémissante interaction, s’affirme là. Pour peu que passe
un brise, la voilà qui entre dans sa rythmique, opérant une sûre brisure dans
l’espace, un Ouvert où le fini et l’infini sont en perpétuelles épousailles.
Une volonté la soutient, cette présence, une intention l’habite. Fontaine au
jaillissement continu, elle n’est plus que donation et accueil. Elle distribue
sans réserve ombres parfumées et éclats nourriciers à ceux que ses ondes
attirent, oiseaux migrateurs, errants humains.
Le lien entre l’arbre et
les oiseaux semble naturel. Mais l’alliance de l’arbre avec les hommes est-elle
assez prise en compte par nous ? Sommes-nous conscients que nous ne
pouvons trouver dans la nature compagnon plus fiable et plus durable ? Cet
être « debout » comme nous, qui depuis les profondeurs du sol tend
résolument vers le haut nous rappelle que notre être tient tout autant de la
terre que du ciel. Prenant appui sur sa base de lave, d’humus ou de limon, il
s’épanouit en un véritable entonnoir
pour boire la pluie tombée du ciel et, venu de plus haut encore, pour
boire le souffle lumineux dont tout l’univers est animé. Il arrive qu’au cœur
du désert, où à l’horizon d’une plaine, se dresse un arbre seul. Cela suffit
aux nomades que nous sommes pour que nous ne nous sentions plus seuls, pour que
la création ne nous semble plus vaine. »
François CHENG, « De l’âme »
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